Jusqu'à maintenant, tout était aisé. Je suis né dans une grande famille bourgeoise, d'une ville à des lieues de Sangha, où je pouvais posséder tout ce que je désirait, à part l'impossible. Même cela, il m'était permis de l'espérer. Ainsi, il n'est pas surprenant que nous possédions une énorme bibliothèque, que je m'immerge dans le monde de la lecture, de la composition littéraire, depuis le plus jeune âge. J'abordais tous les passe-temps, de l'équitation à la chasse, mais je retrouvais les plus grands plaisirs, les plus grands délices, dans l'exploration de ces pages poussiéreuses, d'auteurs morts depuis longtemps, de personnages fictifs comme réels. Puis, un jour, cela ne m'a plus suffit. Capricieux comme je le suis, j'ai commencé à inventer mes propres aventures, mes propres personnages, afin de me sentir comme l'architecte de mon propre petit monde. J'ai commencé par de courtes histoires, des nouvelles, j'ai échoué dans le roman, pour enfin tomber dans ce magnifique tourbillon qu'est l'invention poétique. L'enchaînement des mots et des vers, la douce musique de l'interprétation, tout dans ce domaine m'attirait, m'appelait. Ma famille, comme toujours, me soutenait dans mes péripéties, m'offrant l'or nécessaire à la publication. Pendant quelques années, j'étais heureux, satisfait, écrivant au gré de mon envie. Cela est, jusqu'à ce que je commence à déceler des indices d'un Ordre lointain. Certains le qualifiaient de culte, d'autres de gardiens d'un mystère caché... Cela m'intriguait. Le plus je lisais, le plus la question me rongeait l'esprit: Qu'est ce que cet Ordre gardait? Comment pourrais-je vivre en tranquillité sans connaître ce savoir? Sur un dernier caprice, je quittais le domicile familial. Il était grand temps: déjà adulte, je n'était plus qu'une sangsue pour mes parents. Je leur écris de temps à autre, mais je ne compte jamais les revoir. Ma quête pour trouver l'Ordre fut le premier obstacle contre lequel je fus confronté. D'un coup, j'étais dans le monde réel, les gens n'étaient plus aussi contents de me porter assistance, j'étais seul dans un grand monde, cherchant un Ordre qui, on aurait dit, cherchait presque à dissimuler sa propre existence. Du moins, c'est comme ça que je percevais la raison pour cette quête sans fin. Longtemps ai-je erré, aussi bien que je ne sais pas exactement d'où je viens, mais enfin, je l'ai trouvé. L'Académie. J'ai revêtu la tenue du Profane, et... j'ai attendu. La recherche du savoir avance à petits pas, et je ne fais que commencer, mais cela me fait du bien. J'ai grandi plus dans les derniers instants de ma vie que depuis ma naissance. Je vois le monde, je commence à le comprendre réellement, et, enfin, je me sens vivant. Je me sens humain.

En attente.