Histoire du personnage
Les paniers étaient désormais rempli, et celle qui s'apprêtait à partir déposa aux arrières des canassons les derniers bagages. Le soleil tapait fort, et la géante orange avait décidée d’éclaircir les quelques pommes qui dépaissaient çà et là; tout en se résignant de cogner contre les faces polies des cheveux au trot. Depuis quelques semaines déjà, on organisait ce départ pour que le chemin soit le plus sûr possible, aussi avait-on décidé de faire suivre la jeune fille par raison de six soldats chaque soixante lieux.
Le temps voulait que le sud des lices fût rejointe avant l’aube, malgré l’effort des bêtes qui soutenait bien plus qu’à l’habitude. «Doucement, hé… ne t’épuise pas tout de suite. Il reste encore un bout de chemin.» Affirma Noémy à la plus rapide des jument sur laquelle elle se trouvait, car cela aurait été de se mentir que d’affirmer la simplicité des routes empruntées. Lord Jehan de Vierceterre avait été contacté plus tôt dans la matiné, et impliqua les garnisons dans de lourdes tâches. La plupart étaient celles de veiller à ce que la dame arrive saine et sauve, et dans l’autre, connaître le retour du légitime frère. Qui aurait songé à prendre le chemin qu’un fraternel eût emprunté dans le passé, sans y revenir et laissant pour mort de présence des mots insensés ? L’heure n’était pas aux reflexion, bien que la fatigue laissait envisager un repas et une sobre lecture.
Les heures, les jours et les nuages passèrent sans inviter l’aimable sourire dans le visage pâli de la marquise. La routine du voyage installa son hamac de fortune dans les cernes pochées de celle-ci tandis que son épopée toucha presque à sa fin. Pas de banneret insolent, ni de héros captifs pour faire d’elle une cible, a vrai dire le chemin fût d’un sensible ennui. Cependant, depuis le début de la journée quelque chose la tracassait, venait sonner en son crâne comme un verset symphonique, imprimant son sens incertain dans le creux de ses oreilles essoufflées : une scène vue plus tôt dans la journée.
Aux allures d’une fable, voici comment la scène se présentait… Un vieux paysan soutenait sur ses épaules une perche aux bouts de laquelle étaient suspendues deux besaces; le poids l’écrasait. Dans un carnier il y avait du blé fraichement coupé et dans l’autre de la terre noircie.
« Qu’est-ce que tu portes ? » lui demanda un homme moins âgé.
« J’ai équilibré le poids du blé, répondit-il, en mettant de la terre dans la deuxième besace, car la perche penchait d’un côté. »
Un homme prit alors la besace remplie de terre et la vida ; il divisa le blé en deux parties et en mit une dans la besace vide, et dit au porteur de reprendre sa charge.
Ce dernier, constatant l’allégement, dit à l’homme :
- « Ô brave homme que tu es sage.»
Voici le fond d’une pensée limitée, “altruiste de l’ignorance” pouvaient penser certains; mais en ces gestes innocents le fermier-de-champs évoquait en Noémy une forte pensée. Lorsqu’elle arriva à une conclusion incertaine, elle vit au loin, ventre creux et musette de toile vide, une maisonnette. S’y approchant par crainte et témérité, confondu non seulement en ses murs deux hommes, mais un coffre aux senteurs alléchantes. Poussant le bois massif de l’entrée, elle alla se saisir de denrées soigneusement déposées. Et lorsque le coffre fut refermé, une pancarte poussiéreuse longeait le mur en large. ¨En un souffle étouffé au milieu de ses douces lèvres elle fit disparaître les grisailles pour afficher d’un calligraphie chaleureuse : «Servez-vous, mais ne soyez pas égoïste», «Suivez les yeux», «Terre de l’Ordre».
Le fin sourire qui s'étira entre ses joues abîmées présagea la fin de sa quête, mais le début de sa missive démarra dans le fond de sa boîte crânienne alors même que les sabots furent ferés, au lieu même des Sept-Erances. Si le lecteur ne se satisfera pas de ce chemin que trop peu mouvementé, sachez qu’une flamme étincelle de péripéties en songes : à chaque bruit de la nature.
Ainsi elle arriva, quand le soleil déclina sur les montagnes environnantes. Face à elle méditaient de longs cactus et de multiples fleurs. La nuit tombait, sacrée nuit, sacrée arrivée. Noémy tourna la tête à plusieurs reprises, feintant avoir entendus des bruits dans l’herbe savonneuse, mais ses soupçons se confirment lorsque de stupeur et dans un sourd tremblement, une araignée vint se poser contre elle. Lui envoyant un coup de colichemarde - qui soit-dit en pensait devint une flamberge avec le temps - la bête fit six pieds avant de déphaser; laissant morsure contre la passante. La damoiselle ne cria pas. Elle serra les dents, se mordit la langue, frappa du poing contre sa cuisse assez fort pour laisser des marques, mais elle ne cria pas. Celle-la employa ce qu’il restait de sa belle besace éventrée pour confectionner un bandage et le lia très fortement autour de sa cuisse. De fatigue plus que de douleur elle parla à elle même au centre du silence pesant de la nuit de l’Ordre : « Comment vous sentez-vous ? » demanda-t-elle quand elle eût terminée. « Horriblement mal. » Un frisson parcouru son échine, puis elle reprit route en laissant filer dans l’air d’un fluet gémissement « Où est l’Ordre ? »
Présentation du joueur
Les secrets du grand Lord F. resteront cachés dans le sanctuaire de ses mots, certains pensèrent tout d'abord à sa mort... Moi, je ne pensais qu'à la mienne.