“Depuis que tes yeux ont parcourus l’horizon...” Le père, la mère, et moi, l’enfant. Je les voyais sans cesse partir, eux, qui de naissance possédaient ce lien immuable les enchaînant à la tourbe. Eux qui depuis toujours, les pieds dans le limon, les yeux à travers les mycètes, savaient trouver les voies sûres, les lieux exceptionnels, et qui savaient en revenir. Je dois éteindre ma huitième flamme aujourd’hui … pourquoi ne reviennent-ils pas ? Pourquoi chacun, éploré, me regarde, m’enlace ? “Depuis que j’ai scellé cette promesse à tes parents...” Je ne veux pas, non, je ne veux pas avoir me battre. Eristoë ne m’en laisse pas le choix. Si petit, et je dois lutter contre si grand. Mon sang coule sur les pavés de la Cité d’Andésite, les hommes de fer s’agitent dans les rues d’Armantur. Le Colonel me dit que bientôt, je les rejoindrai, que bientôt, je deviendrai le bras des Nobilitaires. Pourquoi suis-je seul ? Pourquoi Eristoë ne me protège pas … ma dixième flamme s’éteindra cette nuit. “Je ne dois jamais te laisser répéter les erreurs que j’ai commises.” Arthyom et Fénéhyr riaient comme à leur habitude après le cours de Poétique de son Eminence “Des Cendres”, et bien que j’aurais également souhaité me joindre à ces éclats de rire, je ne pensais qu’à l’injonction stipulant la mission de ce soir. Les Fraternistes ont encore fait parler d’eux, je devrai m’équiper du fer et du martel pour que leurs langues, inaudibles à l’ouïe des Nobilitaires, se coupent sous la pression de leurs mâchoires. Néanmoins je pense au lendemain, mon tuteur Eristoë me fera combattre lors du Arnh Ermentur en l’honneur de l’esprit de mes parents. J’éteindrai ma seizième flamme en compagnie de lui-même, sa femme, et sa fille Laurelya … que celle-ci est belle quand les mycètes m’envahissent les sens. “Ne vois-tu pas tes ancêtres, n’entends-tu pas le grondement de l’esprit de ton père, le baiser mortuaire de ta mère ?” Le Colonel m’envoit moi et mes hommes dans les mines du Quartier Kaern’in, les Nobilitaires jugent d’un mauvais oeil leur emprise grandissante sur le commerce de minerai vers l’Avant-Poste. Si seulement j’osais leur signifier mes idéaux, cette Cité, Colosse en pleure surplombant les tourbes, serait enjolivé d’un souffle de liberté. Mes quelques hommes m’écoutent, eux, et partagent mes idées. Je rejoindrai Arthyom, Fénéhyr et ma tendre Laurelya, ce soir à la Rêverie du Quartier Adamante. J’éteindrai ma dix-huitième flamme après ma représentation d’Echappée. “Penses-tu que j’aurais tant donné pour mieux te sacrifier ensuite ?” Je ne comprend toujours pas pourquoi cette nouvelle affectation dans le Quartier d’Affaire, moi qui était félicité par mes supérieurs. Je ne comprend pas non plus pourquoi Eristoë m’a interdit de voir Laurelya, pourquoi il refuse dorénavant de me parler ? Pourquoi suis-je seul à nouveau ? Est-ce ma vue qui se trouble, où mon esprit que les mycètes embourbent ? De nombreux voyageurs parlent de ce continent perdu, Delirean, et de cet Ordre de mages érudits. Pourquoi cela les obsèdent-ils tant ? Pourquoi dois-je me poser autant de questions ? Mon esprit s’emprisonne, à l’écoute de ceux qui sont libres. Pourquoi les mycètes ne sont-elles plus aussi fortes ? Peut-être devrais-je en prendre davantage, en éteignant ma dix-neuvième flamme… “Tu n’es pas fait pour ces terres maudites qui ont dévorés tant des nôtres, ne crois-tu pas que je te vois rêver du nacre de l’horizon ?” C’est en éteignant ma vingtième flamme, en acceptant son invitation, que j’irai égorger Eristoë, qui m’a trahit et bafoué l’esprit de mes parents. Me faire exclure de la Milice ? Moi qu’on disait si prometteur ? Mes vers s’amenuisent, mes rêves sont devenus cauchemar. Mes ancêtres m’appellent à la vengeance, au Arnh Galash. “Tes parents , durant tout leur vécu, eux qui ont contemplés la mort, l’ont défiés du regard, ne souhaitaient qu’une chose. Le jour de ta naissance Avehl, les marais, échos vibrant de ta lignée, ont chantés ton nom. Les esprits ont vu en toi le pourfendeur d’horizons, celui qui bravera les montagnes, et illuminera le monde. Tu sais où te rendre, n’est-ce pas ? Voici une dérogation pour accéder à l’Avant-Poste, une commerçante du nom de “Féhirée” t’attendra. Rejoins-la, passe les Haut-Monts, part, et ne revient jamais, ou tout comme moi, Armantur te dévorera.” Pourquoi ces voyageurs sont obsédés par l’Ordre… ? Car eux qui ont tant vu, tant vécu, savent que seul le savoir compte en ce monde ! Pourquoi devons-nous altérer notre esprit pour rêver de paysages qui sont bels et biens réels, et qui dépasseraient les plus brutales hallucinations ?! Pourquoi devons-nous conter par images alambiquées les exploits de héros renversant des castes inflexibles et cruelles, alors que les pouvoirs pour les anéantir sont quelque part, cachés dans les méandres de ce monde ?! Je savais en effet où me rendre, et c’est en jetant un dernier regard, une dernière larme vers les terres éplorées et embrumées, que je partirai vers l’horizon scintillant...

Avehl est un jeune homme ayant une vingtaine d'années, mesurant environs un mètre soixante-dix, à la peau très blanche, aux iris grises délavées et aux cheveux noir de jais. Il possède une musculature sèche assez discrète, semblant indiquer qu'il aurait pratiqué un métier physique durant un certain temps. Il arbore un visage aux traits fins, lui donnant un aspect quelque peu androgyne. Il conserve la plupart du temps un air calme et pensif. - - - Mon discord - avlr0000#7610